Mélanie Ghanimé défriche un terreau fertile avec son deuxième one woman show, Mixte : celui du développement personnel et de la psycho-(un peu) pop. Et démontre par cette occasion que, oui, l’acceptation de soi et l’autoanalyse peuvent dérider, sans condescendance ni sourire narquois.
Récapitulons le processus. En 2018, après une dizaine d’années de galas et de premières parties, Ghanimé proposait Brut[e], une première et efficace carte de visite à son nom où elle parlait autant du coq que de l’âne.
Depuis, une pandémie a paralysé le monde, la sensible Mélanie a ajouté une corde à son arc en devenant consultante en relation d’aide et a même lancé un balado, Mélanie consulte!, dans lequel elle s’entretient avec des thérapeutes et autres spécialistes de l’âme et de l’esprit. Dans ses temps libres, la jeune dame joue (Léo, La Maison-Bleue, L’oeil du cyclone), et on se souvient que sa pote Silvi Tourigny et elle s’étaient exhibé la poitrine au Gala les Oliver 2019 pour dénoncer les doubles standards en humour.
C’est donc riche d’un bagage de vie plus fourni qu’il y a cinq ans que la sympathique brunette de bientôt 44 ans qu’on voudrait tous avoir comme amie est montée sur la petite scène du Lion d’Or, à Montréal, dimanche après-midi – oui, une première médiatique en plein week-end, à une heure, dit-elle, qui la place en concurrence avec la tournée de Passe-Partout – pour nous inviter dans son « expérience humoristique sur l’introspection ». Sans CD d’oiseaux piaillant et sans abus de termes à la mode à la « gratitude » ou « Namaste » qui pullulent sur les plateformes sociales.
Et on a vite constaté que ce deuxième spectacle de Mélanie Ghanimé s’avère plus consistant et linéaire que son précédent, parce que reposant sur une matière solide et ô combien remplie de potentiel, que l’artiste maîtrise plein gaz. L’humoriste exploite encore sa charmante autodérision – certainement l’une de ses plus grandes qualités – pour nous expliquer des concepts semblant destinés à faire vendre des livres pondus à la va-vite, mais pourtant bien réels, gagnant à être connus.
Non, Mélanie Ghanimé ne s’autoproclame pas « coach de vie », un titre qu’elle juge prétentieux et qu’elle compare au « Ardène de la psychologie ». Elle commence par défaire l’étiquette qu’on pourrait d’emblée lui accoler : elle est consciente que le développement personnel a souvent « une image quétaine que le cul » et que ce champ d’expertise bénéficie hélas de bien mauvais influenceurs, « ceux qui parlent en citations et ceux qui en partagent ». « Tout ce qui est amour, papillons, lumières, ça me donne le goût de tirer du "gun" », décrète-t-elle. La table est mise, le ton est donné, on comprend que Mélanie ne cherchera pas à nous aligner les chakras à notre corps défendant.
Son ascension du périple de Compostelle fait ensuite office de point de départ à un monologue vivant et énergique décortiquant blessures humaines (humiliation, injustice, trahison, rejet), peurs, colères, fausses croyances, amour de soi et accueil de besoins et d’émotions (même si, reconnait-elle, on pense que « ça veut rien dire! »), pastichant Colombe-qui-roule-ses-R-la-formatrice-bienveillante, et énonçant des vérités inéluctables du genre : « Blâmer les autres pour toutte… cr*sse que c’est le fun! ». Des thématiques complexes qui n’empêchent pas Mélanie de snober les fiches de présentation qu’elles juge bancales sur Tinder. « Je trouve ça beau des "pipes", mais ça m’excitera jamais autant qu’un passé réglé et une présence d’esprit! »
Sans chichi, sans flafla, sans présomption de vérité absolue ou parodie de délires ésotériques, Mélanie Ghanimé nous parle de nous, de ce qu’on observe chez soi, chez l’autre, et c’est tout simple. C’est drôle, et c’est drôlement en phase avec notre époque.
Pour achever de bétonner sa séance d’exorcisme de nos petits démons individuels, Mélanie Ghanimé devra affiner sa concentration (quoique ses quelques blancs de mémoire ont bien fait rigoler son assistance dimanche) et faire davantage confiance, à elle et à son contenu. On allongera alors sans peine nos billets verts pour profiter de son agréable thérapie par le rire.
Mélanie Ghanimé présentera Mixte toute l’année. Pour connaître son calendrier de représentations, on consulte son site web.