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Critique

Moqueur polyglotte, de Pierre-Luc Pomerleau : Un oiseau rare qui peine à prendre son envol

Le spectacle Moqueur polyglotte, de Pierre-Luc Pomerleau

Pierre-Luc Pomerleau est entré en piste au son de « Thunderstruck », de AC/DC, et a accueilli les gens, à l’Olympia de Montréal, mardi soir, en leur souhaitant la bienvenue à son deuxième one man show, Moqueur polyglotte. « Parce que, oui, il y a eu un premier "one man show" », a-t-il révélé, dans un grand aveu d’autodérision.

Ainsi, voilà déjà 13 ans que l’humoriste roule sa bosse sur scène (galas ComediHa! et Juste pour rire, premières parties de François Bellefeuille, premier spectacle lancé en 2018...), à la télé (La semaine des 4 Julie, Vlog, ALT, Les Jokers) et à la radio (Debout les comiques). En 2019, Pierre-Luc Pomerleau étalait pour une rare fois ses talents d’imitateur, qu’il avait jusque-là refusé de mettre de l’avant, et faisait mouche dans une présentation très amusante au Gala des Olivier, où il bavait gentiment quelques collègues comiques.

Il remet d’ailleurs ça très rapidement dans Moqueur polyglotte en pastichant Louis-José Houde, qui « sonne comme un klaxon de scooter », dit-il, et Simon Leblanc qui, lui, s’apparente davantage à un ski-doo en région. Jérémy Demay et ses Meubles RD suivent de près, tout aussi efficaces. Les intonations pointues et les ricanements y sont, c’est absolument parfait.

Vous aurez donc compris que Pomerleau a remisé ses scrupules à caricaturer son prochain de la colonie artistique. Dans Moqueur polyglotte, l’artiste tisse un fond de stand up traditionnel, qui mène ici et là à des imitations, insérées au récit et pas démesurément nombreuses.

Le résultat, en toute franchise et sans méchanceté, serait à retravailler. La portion monologues ne vole pas toujours haut, tant dans l’originalité des sujets que dans la maîtrise des gags qui les concluent. Les paniers en osier débordants de produits du terroir, les questions stupides, les enfants qui bousillent la vie sexuelle et la « gestion de la morve »... Il faut (en 2023) beaucoup de verve pour rendre tordantes des images aussi convenues.

Par exemple, de son couple, Pierre-Luc Pomerleau tire l’inspiration dans le partage des tâches avec sa conjointe, rencontrée dans son ancienne vie de comptable. « J’étais bon, sauf le bout avec les chiffres », décrète-t-il au sujet de sa vocation d’antan. Voilà qui donne le ton au style Pomerleau.

On lui donne un point pour ses trouvailles ridicules sur MarketPlace, les « p’tites trouvailles de PLP » (qu’il exploite déjà en capsules sur les réseaux sociaux), qu’il défile en projections (incluant des bijoux et des savons de lait maternel, une laveuse complètement démantibulée à qui, selon la fiche, « il manque quelques pièces », ou encore le mot « sécheuse » orthographié de mille horribles façons, et combien d’autres appellations loufoques). Mais les observations qui accompagnent le procédé, déjà dépassé (on a tous déjà relevé des bizarreries sur les sites de petites annonces en ligne) n’ont rien de bien transcendant, sans compter que le segment s’étire jusqu’à plus soif.

Du côté du calque, le filon serait juteux à gratter, mais encore là, le rendu est inégal. Pour un Louis-José Houde, un Simon Leblanc, un Laurent Paquin ou un Mike Ward très bien copiés, une Coeur de pirate, un Sugar Sammy et un Denis Drolet sonnent plus hasardeux. Son François Bellefeuille démarre bien, puis s’égare en cours de route. Son Richard Latendresse est joué beaucoup trop gros. Notre brave risque gros en s’attaquant – moyennement bien – à Jean Leloup, tandis que son Père Fouras frappe la cible. Mais est-il le premier « faux Père Fouras » à taper dans le mille…? On acquiesce en revanche vivement aux applaudissements qui ont couronné sa reproduction des bruits du cabinet de l’hygiéniste dentaire. C’était pa-reil!

Heureusement, mardi, un Olympia rempli d’amis et d’invités VIP s’esclaffait souvent de bon coeur, des réactions qui ont probablement donné confiance au jubilaire de la soirée, qui s’avère attachant et dont l’aisance, devant public, coule tout naturellement. Et ce, dans un décor joliment composé de toiles abstraites, de couleurs diverses, qui se succèdent au gré des numéros.

Pierre-Luc Pomerleau est sans doute un animateur-né – on l’imagine sans peine interagir et improviser avec les spectateurs, rebondir ici et là avec une imitation ou une blague de son cru, enchanter une assistance avec son charisme inné, et la radio lui sied sans doute à merveille – mais, en termes d’humour brut, le produit manque nettement de polissage. Le moqueur polyglotte, l’oiseau rare qui s’approprie voix et mimiques de ses semblables, arbore ici un plumage étincelant, mais peine à prendre son envol.

Pierre-Luc Pomerleau présente Moqueur polyglotte en tournée partout au Québec. Il sera notamment de retour à Montréal, au Gesù, les 21 et 22 avril, puis il passera à la Salle Albert-Rousseau, à Québec, les 9 et 11 mai. Pour toutes les dates, on consulte son site web.

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