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Une combinaison habile de nostalgie et de modernité.

Moi... et l'autre au théâtre, décadent pour les nostalgiques, mais pas que…

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Notre critique

Jeudi soir, les rideaux se levaient pour la première de la pièce Moi... et l'autre, qui nous replonge dans les aventures de Denise Létourneau et Dominique André, deux grandes amies et colocataires aux 1001 idées folles. Cette comédie, inspirée de la série culte du même nom des années 60 et 90, est écrite par Kim Lévesque-Lizotte et mise en scène par Charles Dauphinais.

Dans l'histoire, les spectateurs suivent donc Denise et Dodo à Montréal durant l’Expo 67. Interprétées respectivement par Alexa-Jeanne Dubé et Juliette Gosselin, les deux artistes voient leur quotidien bouleversé lorsque deux nouveaux voisins débarquent dans leur immeuble : la propriétaire de la tour, Mrs Clark (Sandrine Bisson), une femme très conservatrice, ainsi qu'Hébert Léotard (David Corriveau), un chanteur français qui organise un concours de talent qui offrira un voyage à Paris au gagnant. Les colocataires, qui raffolent des hommes et de la scène, rivalisent donc pour obtenir l'attention de la vedette, en pratiquant leurs chansons et leurs steppettes. Bien sans le vouloir, le gérant de l'immeuble (Henri Chassé), le concierge, Gustave (Marc Saint-Martin) et la barmaid du coin, Joanne (Joëlle Paré-Beaulieu), se retrouvent impliqués dans les péripéties des deux femmes.

Dès les premières minutes du spectacle, sur la scène habillée d'un décor de sitcom, la complicité et l'énergie débordante des deux comédiennes principales donnent le ton d'une performance remarquable. Dans le décor transformable, passant habilement de l’appartement des filles au lobby de l’immeuble, puis au bar, on a droit à une immersion et un dynamisme qui ne peut que nous laisser béats devant cette adaptation de la série culte. Ce n'était pas de petites chaussures à chausser, mais l'on peut dire d'entrée de jeu que les filles ont incarné avec brio les personnages imaginés par Dominique Michel et Denise Filiatrault, tant dans leurs démarches burlesques que dans leurs répliques sucrées-surettes.

Les voir sur scène le confirme : les personnages sont des exemples frappants de féministes avant leur temps, affirmant leur autonomie et leur modernité avec désinvolture et assurance. Les dialogues sont empreints de doubles sens et de répliques percutantes. Mais c'est aussi, et surtout, une histoire d'amitié, de sororité. En ce sens, la pièce rend un bel hommage à l'oeuvre de l'époque. Si cela démontre qu'on a fait du progrès, de nombreux thèmes abordés dans la pièce résonnent toujours avec des enjeux contemporains. D'ailleurs, des montages vidéos d'archives sont intégrés au décor et divertissent le public pendant les transitions, rappelant toute l'évolution sociale et culturelle qu'a vécu le Québec depuis les années 60.

Par exemple, dans une scène, Denise est déchirée entre l’amour et la liberté et s’exclame : « Je suis une femme de mon temps, pleine de contradictions. » Cette déclaration pourrait résumer à elle seule l’essence du personnage et la dualité des aspirations féminines de l’époque... Qui sont encore d'actualité.  

D'ailleurs, Kim Lévesque-Lizotte n'a pas manqué d'intégrer de nombreux clins d'oeils à des références modernes, intégrées avec agilité au texte. Ces références au présent sont intégrées dans des blagues, flirtant avec la critique sociale et politique sans alourdir le propos de la pièce pour autant. Cette approche rend assurément le spectacle accessible et engageant pour une audience très large, allant des nostalgiques de la série originale aux spectateurs découvrant cet univers pour la toute première fois. « J'pense que tu vas l’attendre longtemps, ton tramway », répondait Denise à Dodo, lorsqu'elle refuse d'aller à l'inauguration du metro. « Et c'est quoi après, vous allez nous faire porter des masques?», disait un autre personnage, suite à une règle imposée interdisant le port de la minijupe dans l'immeuble. De petites flèches, quoi!

Si l'on s'attendait à un texte riche pour les deux protagonistes, le scénario nous a épatés en donnant des répliques savoureuses à des personnages qu'on imaginait d'abord comme... simplets? C'est le cas de Gustave, qui se distingue particulièrement par sa maladresse et son charme naïf, une dose d'humour qui ponctue toute la pièce. C'est donc encore plus drôle quand c'est lui qui fait des références idiotes, qui finalement, sont pleines de sens lorsque entendues en 2024. (Il a l'idée d'une auberge BNB, il se met à lancer des répliques de Speak White...) Ses interventions loufoques ont souvent déclenché des rires immédiats et joyeux!

Le joual des années 60 et les accents variés des personnages peuvent être déroutants pour les spectateurs, notamment l’accent français du gestionnaire de l'immeuble et l’accent anglais de Mrs Clark, mais après un temps d'adaptation, on s'y habitue et ces choix linguistiques enrichissent le tableau d'époque.

Mention spéciale aux éléments de décor vintages et aux costumes qui renforcent l'authenticité de la reconstitution historique!

En bref, Moi... et l'autre est une comédie réussie qui allie habilement nostalgie et modernité, avec des performances vibrantes, une mise en scène inventive et des dialogues ludiques et divertissants qui ne laissent certainement pas place à l'ennui.

À voir absolument! La pièce est présentée au Théâtre du Vieux-Terrebonne jusqu'au 28 juillet avant de partir en tournée dans la province dès le 17 septembre 2024.  Pour voir l'ensemble des dates, rendez-vous sur le site web ici.

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