Le choc des générations a été particulièrement virulent au 24e Gala les Olivier, dimanche dernier. Sur la scène de la Salle Pierre-Mercure, les humoristes dans la vingtaine et la jeune trentaine s’en sont donné à coeur joie à envoyer des flèches à leur aînés du métier, qui ont été littéralement absents de la soirée.
L’animatrice Katherine Levac a passé au tordeur Guy Nantel et Christian Bégin dans son numéro d’ouverture, et a même décoché une vanne à Louis-José Houde, qu’elle dit trouver vieux. Silvi Tourigny et Mathieu Dufour ont aussi « poivré » quelques têtes ici et là, dont celles de Dominic et Martin. Et, surtout, Virginie Fortin et Arnaud Soly ont ridiculisé presqu’une époque entière de l’humour québécois, celle des années 1990 (le Grand Rire Bleu, les magiciens, les pantalons de cuir, les micro-casques, les personnages, etc) dans leur numéro de « Pat et Mat » qui, doit-on le reconnaître, visait quand même dans le mille.
Les réactions ont fusé pendant la cérémonie et dans les jours suivants. Dany Turcotte est l’un des représentants de la tranche « génération X / boomer » qui a osé s’exprimer à ce sujet. Sur Twitter, pendant le gala, l’ex-fou du roi de Tout le monde en parle, âgé de 58 ans, a partagé ceci :
Dans le cadre d’une entrevue accordée à Showbizz.net, jeudi, en vue de la sortie de son documentaire Le dernier placard – Vieillir gai – dont nous vous reparlerons sous peu –, Dany Turcotte a accepté de revenir brièvement sur son micromessage qui, soutient-il, ne se voulait pas du tout acrimonieux. Turcotte se dit même heureux de constater que sa prise de position a déclenché un débat et des discussions. « Je pense que c’est sain », avance-t-il, avant de préciser ce qui, concrètement, l’a dérangé dans le ton de la célébration de dimanche.
« Moi, aucun gag dans le gala ne m’a dérangé. C’est l’accumulation, qui m’a dérangé. Et le fait que toutes les générations n’étaient pas présentes. Il y avait juste la génération actuelle... »
Dany Turcotte poursuit, en réfléchissant à voix haute sur le caractère inclusif de l’ensemble des remises de prix.
« Je ne sais pas ce qui s’est passé en humour, mais si tu regardes tous les galas… À l’ADISQ, il y a des gens de toutes les générations. Quand il y avait les Masques [qui célébraient le théâtre québécois, NDLR] et le Gala Québec Cinéma, c’était aussi le cas. Aux Oscars aussi, ce sont des gens de toutes les générations réunies. Il y a juste en humour, qu’on dirait que c’est juste une génération et que les autres ont disparu! »
Quand est arrivé l’hommage au regretté Jean Lapointe, Turcotte a encore une fois réalisé qu’aucune personnalité plus âgée ne répondait présente à l’événement. « À chaque fois qu’on parlait des vieux, c’était pour faire des "jokes", et ils n’étaient pas là...»
« Je ne sais pas ce qui s’est passé en humour, mais on dirait qu’il y a eu une espèce de fracture de générations, qui est arrivée je ne sais pas à quel moment », réitère encore l’artiste, qui s’attend à se faire parler de la question à Tout le monde en parle, dimanche, où il sera de passage pour promouvoir son documentaire. « J’imagine qu’on va me l’expliquer, parce qu’il y a des choses que je n’ai pas comprises... »
Mais, lui fait-on remarquer, le Gala de l’ADISQ a aussi une propension, depuis quelques années, à privilégier une certaine relève émergente, plus jeune, au profit des vedettes populaires plus âgées. Une affirmation que Dany Turcotte s’empresse de nuancer :
« Mais il y a toujours quand même un peu des gens de tous les âges. Richard Séguin va venir faire une toune, par exemple. Il reste quand même toujours un peu de place pour les gens d’avant. Il ne faut pas tout jeter avec l’eau du bain… »
On comprend aussi entre les lignes qu’on touche peut-être une corde sensible chez Dany Turcotte en tournant en dérision une période de sa carrière chère à son coeur, où il commettait les 400 coups avec son grand ami de toujours, le regretté Dominique Lévesque. Le tandem vivait alors les années de gloire de son projet Lévesque et Turcotte, après l’aventure du Groupe Sanguin.
« Pour moi, les années 1990 sont précieuses, parce que ce sont les années où j’étais avec mon ami Dominique [Lévesque] et qu’on faisait des spectacles. On en a fait six et on travaillait extrêmement fort. On travaillait, on travaillait, on travaillait! On passait des mois enfermés dans des locaux noirs en plein été, à répéter nos spectacles. Dominique n’en dormait pas la nuit. Je pense qu’il en est quasiment mort, de ça, d’avoir travaillé nos shows! Quand j’entends qu’on était paresseux dans les années 1990, ce n’était pas le cas pour tout le monde, parce que nous autres, on travaillait fort en "tabarouette", et on faisait des grosses tournées! »
À QUB radio, avec Sophie Durocher, Guy Nantel a également décrié le style de Katherine Levac aux Olivier, en maintenant que celle-ci n’est pas « à son meilleur » dans ce type de contexte. Le chroniqueur de La Presse, Marc Cassivi, a par la suite analysé le point de vue de Nantel dans un article incisif, intitulé Tasse-toé mononcle (lisez-le ici) et le principal intéressé, actuellement en tournée avec son spectacle Si je vous ai bien compris, vous êtes en train de dire…, lui a répliqué avec véhémence. Voyez comment ici.