Séries Plus égaiera notre gris mois de février avec une nouvelle fiction des plus chaleureuses, d’une belle profondeur et remplie de tendresse. En plus de traiter de sujets hautement intéressants, dont ceux des dépendances de toute nature et de l’amitié authentique, Les bombes a le mérite de mettre à l’avant-plan de nouveaux visages talentueux et diversifiés.
L’histoire derrière cette comédie dramatique en six épisodes (format désormais préconisé par Séries Plus pour ses productions maison, qu’on pense à Bête noire, Manuel de la vie sauvage et, bientôt, Haute démolition) est d’ailleurs magnifique. Il y a 11 ans, à force de se croiser dans des auditions pour « des rôles de grosses » (ce sont leurs mots) et désireuses de ne pas développer une compétition malsaine entre elles, Debbie Lynch-White (qui commençait alors tout juste à tourner dans Unité 9 et n’avait pas la notoriété d’aujourd’hui), Olivia Palacci, Julie de Lafrenière et Sarah Desjeunes Rico se sont liées d’amitié.
D’un brunch à l’autre, elles ont commencé à imaginer une série à leur image, dans laquelle elles incarneraient le rôle de leurs rêves. Des genres de rôles pour lesquelles on ne pensait jamais à elles en raison de leur casting de « jeunes femmes rondes ». C’est bien connu, les actrices en chair se font souvent confiner aux personnages de « meilleure amie », de « souffre-douleur » ou de ressorts comiques...
Le jour où son idée a été suffisamment aboutie (le titre de travail du projet était alors Les Gorgeous), notre inspiré quatuor a contacté la productrice Sophie Deschênes, de Sovimage (Avant le crash, L’empereur, Hôtel, Les pays d’en haut), qui a ensuite mis dans le coup l’autrice Kim Lévesque-Lizotte – les idéatrices ne souhaitaient pas écrire elles-mêmes les textes de la série – et le réalisateur Pascal L’Heureux, davantage habitué aux comédies (le Bye Bye, Discussions avec mes parents, Les pêcheurs), qui mitonne ici ses premières heures dramatiques.
Était alors né le concept des Bombes, où quatre jeunes femmes se retrouvent dans une même chambre du centre Catharsis, soignant des addictions de toutes sortes. Un type de centre qui n’existe pas réellement au Québec (mais en Suisse, oui), recréé au Centre Orford Musique, au pied du Mont-Orford, et qui constitue un fichu de beau cadre pour une intrigue télévisée aussi audacieuse, portant essentiellement sur la quête d’identité.
Chacune des protagonistes du noyau principal en découd avec sa propre tare, qu’on découvre dans un habile montage au début du premier épisode : Juliette (Palacci), une rebelle d’origine française, est scotchée aux machines à poker et fait face à un ultimatum de son amoureux, Paul (Fred-Eric Salvail), qui menace de la quitter; Vicky (Desjeunes Rico), une procureure de la couronne archi performante et hyper contrôlante, avale des médicaments comme des bonbons pour supporter la pression; Emma (de Lafrenière), travailleuse sociale, crée une multitude de faux profils sur les réseaux sociaux pour récolter « likes » et validation virtuelle et ainsi combler sa grande solitude; enfin, Claudine (Lynch-White), installatrice de spas et piscines, ne crache sur aucune expérience sexuelle, parfois même au risque de sa sécurité.
Quatre anti-héroïnes fascinantes, pleines de nuances, qui aboutissent en retraite fermée pour 21 jours, à tout faire en groupe (même se brosser les dents à l’unisson!) selon un horaire strict, à se prêter à des ateliers d’art-thérapie et des exercices de respiration, à parler aux plantes, à « voyager au fond d’elles » et à apprivoiser leurs démons, ce qui ne s’avérera pas tâche facile.
À leurs côtés, d’autres colocataires sont également en processus de guérison de l’orthorexie ou d’un trouble obsessionnel compulsif. L’un d’eux, Grégoire (Jean-François Mercier), bourru, fermé et isolé, refuse de s’ouvrir aux intervenants et à ses camarades. Tous sont bichonnés par l’attentive Louise (Lise Roy), directrice de l’établissement et son conjoint médecin, Pierre (Pier Paquette), le psychothérapeute Fabien (Jean-Nicolas Verreault, composant un psy à l’écoute et perspicace à qui on voudrait tous confier nos tourments!) et l’art-thérapeute Rose-Aimée (Francesca Barcenas). Nos dames pourraient aussi croiser des fantômes du passé au tournant...
Les segments de thérapie des Bombes sont émouvants et prenants, les activités de groupe sont divertissantes, la musique du génial Philippe Brault (Pierre Lapointe, Safia Nolin) sied bien à l’ensemble et la mise en images générale de l’émission est souvent inventive. Lorsque Juliette pousse la porte du centre Catharsis, la caméra nous la montre tête en bas pour illustrer le vertige qui l’assaille. Les images qui frappent Claudine lorsque celle-ci s’adonne à la visualisation pour dénouer les fils psychologiques expliquant sa situation évoquent ce même type d’émotion.
Ce qu’on retient de ces attachantes Bombes – le titre prend son sens à la fin du deuxième épisode – c’est la lumière qui en ressort toujours. Le propos pourrait être lourd, mais il est allégé des touches d’humour fin et de la grande sensibilité de Kim Lévesque-Lizotte, dans un scénario qui n’en fait jamais trop ou pas assez. Le fil conducteur des Bombes est parfois dur, mais le récit est doux. Et on ne doute pas que nos quatre guerrières sauront s’unir pour vaincre les poisons qui leur compliquent l’existence!
Les bombes prendra l’antenne de Séries Plus le jeudi, à 21 h, dès le 2 février. Il n’y a pour l’instant pas de deuxième saison dans les plans de la chaîne.