Comment s’appellerait La grosse femme d’à côté est enceinte, de Michel Tremblay, si le roman devait passer par la censure imposée à certaines productions artistiques, comme ce fut le cas pour La petite vie il y a quelques années?
On sait que des mouvements universitaires, parfois qualifiés de « wokes », s’activent à revisiter des œuvres littéraires, cinématographiques ou autres, afin de les actualiser aux valeurs d’aujourd’hui, plus sensibles qu’autrefois à la réalité d’autrui. Une façon de faire avec laquelle on peut être d’accord, ou pas, selon ses opinions.
Récemment, la Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec présentait même, à l’Université Laval, une exposition sur la censure dans les œuvres littéraires du Québec dans les quatre derniers siècles. Il y était notamment question de Les fées ont soif, pièce féministe et revendicatrice de Denise Boucher qui avait fait scandale au moment de sa création, en 1978, et dont la comédienne Louisette Dussault, qui nous a quittés il y a quelques jours, faisait partie.
Michel Tremblay, lui, s’amuse que d’aucuns se plaisent à vouloir, en quelque sorte, changer le passé.
« Au début, ça me faisait rire, mais maintenant, je trouve ça tellement ridicule », mentionne l’illustre auteur, en entrevue avec Showbizz.net. « C’est comme si le catholicisme revenait, comme si on était encore plus sensibles aujourd’hui qu’on l’était avant. Changer une langue qui existe depuis 2000 ans pour des raisons aussi confuses, je trouve ça un peu ridicule. »
Dans la foulée, il indique avoir récemment blagué à ce sujet sur Facebook, en rebaptisant sa Grosse femme d’à côté est enceinte par « La genrée adipeuse d’à côté est en gestation »!
« Il faut en faire des farces, parce que c’est tellement ridicule! C’est ridicule d’avoir peur des mots, parce que les écrivains, justement, leur rôle, c’est de ne pas avoir peur des mots. Si on veut m’empêcher d’utiliser des mots, je vais ruer dans les brancards... et c’est évident que je vais continuer de les utiliser! »
Et s’il est un créateur dont on ne peut remettre en question l’ouverture et le respect de l’Autre, c’est bien Michel Tremblay. Déjà, dans les années 1960, le dramaturge mettait en vedette homosexuels, lesbiennes et travestis dans ses histoires, bien avant les évolutions sociales dont on bénéficie aujourd’hui. À lui seul, son répertoire a contribué à faire avancer les mentalités.
Sa pièce Le vrai monde?, d’ailleurs à nouveau en tournée aujourd’hui avec entre autres Michel Charette dans la distribution, est née en 1987 sur les planches et « parlait de #MeToo avant que #MeToo existe », soutient Michel Tremblay.
« Il est question d’un fils qui veut dénoncer son père », souligne ce dernier. « C’est assez étonnant. Ç’a été créé il y a 36 ans, et ce sont des sujets dont on parle beaucoup, aujourd’hui. C’est le rôle des écrivains et des artistes, de voir les choses venir, de les sentir... »
Un coup de chapeau télévisuel célébrant d'ailleurs le legs artistique de Michel Tremblay vient d'ailleurs d'être diffusé à la télévision. On peut encore le revoir sur le site web de Télé-Québec. Tous les détails ici.
Michel Tremblay, qui a franchi le cap des 80 ans en 2022, nous donnait par ailleurs des nouvelles de sa santé, ici.